On disait dans tout Los Angeles qu'il y avait, les nuits clairs, une jeune fille qui marchait dans les rues, belle comme un ange. Il s'en aurait fallu de peu d'ailleurs qu'elle porte sur son dos des ailes aux plumes de colombe, elle qui avait cette luminosité qu'ont les cygnes. Elle marchait alors, et nul n'osait l'attaquer. Les lycanthropes se raidissaient devant elle et en croisant son regard bleu pluvieux, déguerpissait d'avoir croiser la beauté incarnée. Les vampires ne reniflaient pas la vie d'elle, et voyait deux fines canines, aussi petites et mignonnes, pointées sur sa lèvre, et ils la laissaient à son grès, étant des leurs. Les humains finalement la regardaient passer dans la rue et leur regard restait tout accroché. Cet ange au teint pâle et aux grands yeux bleus, Ezechkiel en avait entendu parlait. Une vampire sans famille, aussi belle et douce qu'un ange, ça ne pouvait pas vraiment être de leur famille. Seul les enfants de Menoch avait cette fâcheuse habitude d'engendrer des êtres purs. Mais ils avaient aussi le don de les élever. Alors quel genre de vampire pouvait être l'ange, sans que personne ne la surveille? Ezechkiel avait bien entendu parler d'Eros, ce satané vampire. Il n'en fallait pas beaucoup au prince valaque pour détestait un individu, mais Eros avait tous les pré requis pour être détester. D'une, il s'offrait le droit de demander quelques sucreries à Lust. Leur Lust. Sa Lust. Sa soeur, à lui. Et celui là... qu'importe. De deux, il s'offrait également le droit d'aller et venir dans Los Angeles, et d'aller parler au Concile. Aux lycanthropes. Imbécile de diplomate. De trois, et c'était bien là le summum, il traînassait avec une boule de poil lupine, et princière de surplus. Ezechkiel était brume. Il voyait, entendait tout. Un vrai mouchard. Sauf que lui ne parlait pas, et gardait tout en mémoire. Cet ange, si elle n'était pas d'Eros, a qui était-elle? C'était la question.

Il avait décidé de voir par lui même. Il l'avait attendu. Et elle était venue. Au bout de la rue, aussi belle que gracile. Elle s'était penchée, la peau pâle mais pas livide, ni terne. Une peau d'enfant bien née et bien nourrie, toute ronde et rebondie. Un corps souple et flexible. Le regard du prince était bien connaisseur, et s'il n'était pas ici pour ça, ses yeux ne s'empêchèrent pas de la détailler. Des rondeurs. Pas énormément, mais assez pour que ses petits seins soient fermes, et tiennent dans un soutient gorge bleu foncé. Une chemise, sur elle. Une chemise d'humain, du vingt et unième siècle. À carreaux. Noir et bleu foncé. Et une jupe finalement, lui tombant sur le bas des genoux. Noire. Élégante. Une sorte de danseuse. De longs cheveux blonds, contrastant avec la noirceur du prince, et de la nuit. Quelque part, elle respirait les bons sentiments, la bonne vie. Elle semblait vivante. À la différence prêt qu'elle ne sentait rien. Il la laissa approcher, assis sur le capot d'une voiture, le regard dévorant. Il aimait jouer les loups, et elle avait ce corps d'agneau, tout fragile. Tout beau. Succulent. Elle s'arrête à sa hauteur, relevant la tête vers lui. Les prunelles clairs du prince, bleus elle aussi, croisèrent les prunelles bleu de pluie de la vampire. Il eut un sourire. Elle le regarda, fixement. Elle le trouvait beau. Comme toutes les autres. Mais ce n'était pas là ce qu'il désirait. Pas à ce moment.

« Vous êtes jolie. » Elle sembla sursauter et rougit, un peu. « Eh... merci. … vous êtes beau, aussi. » Il eut un petit rire. « Vous êtes toute seule? Vous n'avez pas peur que quelqu'un vous fasse du mal? » Elle le regarda, les yeux ronds. « Vous voulez me faire du mal? » « Moi? Non. Je me disais juste qu'il était rare de voir une brave jeune fille, aussi jolie, marchait seule en plein milieu d'un... champ de bataille. » Elle regarda autour et haussa doucement les épaules. « J'imagine que oui, ça doit être rare. Mais je n'ai trop rien à craindre. » « Vous avez quelqu'un qui vous protège alors? » « Oh non. Je suis seule. » « Depuis longtemps? » Elle sembla réfléchir. Ça faisait en effet longtemps. « Vous allez quelque part? » « Je … la nuit vient de débuter, alors je marche un peu. » « Vous avez bu ce soir? » « Je... » « Vous ne buvez pas? » « Si, bien sûr. Mais disons que... je n'ai pas très soif pour l'instant. » « Je vois. »

Ezechkiel s'était décollé du capot, se rapprochant d'elle. Elle ne s'en méfia pas. Quel mal pouvait bien lui vouloir? Elle n'avait rien fait, ne l'avait pas même provoquer. En somme, il allait sans doute lui... la serrer contre lui d'une façon très gênante, de sorte qu'elle étouffe un petit cri de surprise, un petit cri cristallin, comme le bruit du verre cassé. Un verre qui tombe sur le sol et qui éclate. Une main autour de sa taille, Ezechkiel la fixait. Elle rougissait à la façon des pucelles. Il la regarda, sérieusement.

« Vous n'avez jamais connu d'homme? » « Je... lâchez moi... » « Une jeune fille, jolie, seule, qui marche en pleine nuit, et qui est vierge. Vous êtes un ange? Ou une orpheline frigide? Vous dévorez vos compagnons? » « Qu'est-ce que vous... » « Vous embrassez au moins? » « Mais lâchez moi... » « Oh, ne faîtes pas la sainte ni-touche. Vous rougissez de trop en vouloir. » « C'est faux...! » « Bien. »

Il la relâcha et elle tomba sur le sol. Le cul sur le béton. Elle grimaça de douleur, et il resta devant elle. Elle ne semblait pas bien énervé, mais assez farouche. Il fronça doucement les sourcils. Qui pouvait bien être son père, à cette gamine? Écervelée, blonde, sans doute très douce et pure, bonne âme, vierge, perdue... Encore un Menoch ça. Mais alors lequel...

« Tu m'as manqué, mon bel amant. »
« Ne m'appelles pas ton amant... »
« Mon coeur? Mon ange? Quel nom devrais-je te donner alors? Un nom... un nom n'est qu'un nom. Ça ne change en rien le parfum d'une rose que l'on ne sache pas comment elle se prénomme, mon amour. »

Il le regardait, avec cet amour au fond des prunelles sur fond de sourire moqueur. Il avait cette façon d'aimer et de le nier à la fois. Il avait honte. On ne lui avait pas appris à être démonstratif, et ce, sur tous ses sentiments. Et autant dire que pour ce visage à damner des saints, il l'était. Plein de sentiments. Pour lui, et seulement pour lui. Pour cette tête blonde aux yeux d'ange.

« As-tu pensé à moi comme je t'ai imaginé? »
« Si tu as prié pour moi nous sommes quitte. »
« Embrasse moi, et nous le serons vraiment. »

Il eut un sourire moqueur, et large. Il aimait l'embêter, repousser les limites du « politiquement correcte », bien qu'Ezechkiel ne l'avait jamais été. Correct. Il aimait le scandale et les abysses du verbiage. Les grossièretés, et tout un tas de chose du même genre, tout ça, ça le faisait sourire. Ça cachait la centaine de mots doux qui attendait dans son crâne d'être sortit, un jour ou l'autre. Pour rire. Une voile d'humour pour un fond de réalité. Bien vite caché. Tout le monde le croyait, c'était bien le plus triste. Seul Dante savait. Mais Dante avait toujours su que lorsqu'il riait, il disait bien souvent les plus grandes vérités qu'il avait pu sortir dans sa vie. Ezechkiel avait cette réputation qui disait qu'il en disait plus qu'il n'en pensait, quand il pensait bien plus qu'il n'en disait. Un paradoxe bien souvent mal compris, et mal interprété. Ezechkiel le regarde, ce prince de son corps, qui semble si inerte, si... étrange.

« Qu'est-ce qui te rends si pensif? »

Il était curieux, le prince des catins. Par habitude, pourtant, il ne posait pas de question. Car ça l'ennuyait, et qu'il n'était jamais intéressé. Mais quand ça toucher à ceux qu'il appréciait – pour ne pas dire aimer, ça lui aurait donner quelques pestes espagnoles – et, en ce qui concernait Catharsis, il se serait damner si il avait pu apprendre les tourments de son âme. Mais ça n'était jamais ses problèmes à lui. Il était trop attentif au reste du monde, le cureton de chez Dante. Le religieux avec sa croix en fardeau éternel. Ridicule. Mais beau.

« Lust me préoccupe. Je ne la juge pas, elle semble sincère. Mais elle choisit un chemin plus que risqué tu ne trouves pas? Je ne t'en parlerai pas si tu ne le savais pas déjà. » Il pencha la tête et haussa doucement les épaules.
« Elle sait ce qu'elle encoure. Je me méfierais davantage de sa peste de Valéria en ce qui concerne les risques qu'elle prends. Cette petite folle de blonde pourrait bien entraîner son aînée au puits... et ça, ce n'est pas dangereux. C'est du suicide. »

Il laisse passer un ange. Du suicide. Ça dessine sur son visage un petit sourire en coin. Un sourire ridiculement moqueur. Petite folle. De qui est-elle s'effarouchait, la petite guerrière aux grands yeux bleus, elle qui manie l'épée comme les anciennes amazones, et pourtant se fait avoir toujours de la même façon, au même coup d'estoc bien placé? Petite guerrière qui est devenue femme déjà. Il hausse un sourcil, alors que quelques bavards s'enfuient déjà à toute jambe. Il tourne toute son attention sur Catharsis. Lentement. Son regard de pluie le fixe.

« Que nous as tu ramené? J'entends jaser déjà... »
« Une femme. » Il ne ment pas. Il n'en a pas le désir. Mais finalement il se ravise, car il sait que la colère de Catharsis est assez rancunière pour lui fermer les portes du paradis pour quelques siècles. « Lysandra. C'est une vampire. Je l'ai trouvé au milieu d'un chant de ruine qui marchait, comme si de rien était. Elle dit ne pas se souvenir d'où elle vient. Visiblement, elle est vierge. En somme, elle n'a absolument rien du clan de Dante. Une de chez Menoch j'imagine... Je ne peux pas la garder. Elle n'est pas en sécurité avec moi. Il faut que tu la gardes. Cette nuit au moins. Si Jadis la rencontre, tu sais bien que cette folle de rousse s'en ferait un plaisir que de la traumatiser. »

Ezechkiel qui éprouve quelques compassions? Ridicule. Mais le prince a l'air sérieux, et dieu sait que c'est rare.
Enfin, par dieu, le prince valaque n'entends rien.